Bientôt Noël… gâtons-les ! (ou la polygamie à l’Assemblée nationale)

Non, je ne pensais pas aux milliers d’enfants démunis, aux chômeurs en fin de droits ou aux retraités survivant avec le minimum vieillesse qui ne fêteront pas Noël cette année faute de moyens financiers. Et pourtant, il y aurait tant à faire…

Je me préoccupais plutôt de certains de nos parlementaires auxquels il serait opportun d’offrir un vrai cadeau : un coffret intégral… de la législation française (code civil + code pénal,…et pourquoi pas tout simplement un accès permanent à Legifrance ?).

Un exemple (parmi tant d’autres) pour justifier de la nécessité de faire un geste en direction de ceux qui en ont vraiment besoin : la proposition de loi n°2968 enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18/11/2010.

Ce texte (un de plus sur cette question, direz-vous), qui vise à réprimer les situations de polygamie, précise dans son exposé des motifs

1.- Que, même si le nombre exact de familles concernées par cette situation reste inconnu, on en connaît les conséquences dramatiques : une multiplicité d’enfants dans de minuscules superficies, contraints d’attendre dans la rue leur tour pour le repas et privés d’éducation ; des femmes meurtries ; des allocations obtenues de manière frauduleuse…

2.- Qu’il n’existe pas à proprement parler de définition juridique du délit de polygamie

3.- Qu’il est proposé de définir la polygamie comme une union de fait entre un homme et plusieurs femmes

4.- Que cette proposition de loi a pour objectif de protéger les femmes victimes de polygamie en créant, au sein du code pénal
— un délit visant à sanctionner le fait de conclure une union religieuse avec une autre personne que son conjoint
— un délit visant les ministres du culte qui prononcent une union religieuse sans avoir la preuve que les personnes qu’il unit sont civilement mariées

5.- Que les prestations familiales ne pourront être versées au mari polygame ; elles bénéficieront aux épouses mais seront gérées par un tuteur désigné par le juge des enfants

 

Resituons ces affirmations et ces objectifs dans le contexte du droit français actuellement en vigueur.

1.- Rien à dire sur le plan juridique ; ces affirmations relèvent plutôt de la littérature (Zola n’aurait pas renié ces lignes).

2.- L’article 147 du code civil (article créé par la loi 1803-03-17 promulguée le 27 mars 1803) précise que On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. Cet article, en vigueur depuis plus de deux siècles, ne se suffit-il pas à lui-même ?

2.- L’article 433-20 Code pénal prévoit que Le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d’en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines l’officier public ayant célébré ce mariage en connaissant l’existence du précédent.

3.- Le code pénal réserve la même peine à la personne qui contracte un mariage (civil, bien entendu) avant que le précédent ne soit dissout que celle-ci soit un homme ou une femme. Pourquoi alors introduire dans le code pénal un délit de polygamie dont seuls pourraient se rendre coupables les hommes si ce n’est pour aller au-delà de la répression du cumul de mariages civils et permettre… de pénaliser les unions de fait ?

4.- En vertu de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Sanctionner le fait de conclure une union religieuse pourrait constituer une sérieuse dérogation à ce principe. Il faudra également s’entendre sur la définition donnée au mot conjoint  ; ce mot n’ayant pas toujours le même sens pour tout le monde rien que dans la sphère laïque…

4.- Nos chers parlementaires vont laisser au pouvoir réglementaire (un décret en Conseil d’État est prévu) le soin de définir de quelle manière seront recensés les mariages religieux, la nature des justificatifs à apporter selon le pays dans lequel lesdits mariages religieux ont été célébrés ainsi que la liste des ministres du culte habilités à vérifier que les conjoints sont unis civilement. Bon courage !

5.- Les épouses des maris polygames sont donc assimilées à des incapables majeures ; soyons certains qu’elles apprécieront.

 

Au-delà de ces considérations juridiques,

— Rappelons que nos concitoyens ont des opinions pour le moins partagées sur la question de la polygamie
—– Elle est ainsi considérée par certains hommes politiques français comme… l’une des causes possible des violences urbaines.
—– Alors que, dans le monde du spectacle, on semble plus que tolérant à l’égard de ce mode de vie. Ainsi, Carla B. déclarait fin 2007 Je suis monogame de temps en temps mais je préfère la polygamie et la polyandrie .

— On peut se demander jusqu’où ira la remise en cause des principes fondamentaux de notre société républicaine et laïque au nom d’une prétendue protection des femmes.

— Combien faudra t-il encore de lois liberticides et de circonstance (rédigées par des hommes et pour des hommes) pour avoir enfin atteint l’illusion que nous sommes toutes, protégées, respectées … et égales des hommes ?

— L’exposé des motifs de la proposition de loi qualifiant la polygamie d’union de fait, comment peut-on distinguer entre plusieurs mariages religieux parfois célébrés aux quatre coins du monde… et une situation d’infidélité ou de vie maritale avec plusieurs partenaires (ou conjoint à temps partagé)… que le droit français ne réprime pas (encore) ?

— Faudra t-il que l’on installe dans nos cuisines, nos séjours et nos chambres à coucher des caméras et des micros afin que les autorités sachent en permanence avec qui on mange, avec qui on boit, avec qui on rit… et avec qui on b… ?

 

Je vous invite à vérifier, dans la liste des parlementaires soutenant cette proposition de loi, si, par hasard, votre élu n’y figure pas ; j’y ai bien trouvé le mien !…

Si vous souhaitez vous associer à cette action qui consiste à offrir à certains parlementaires les moyens d’accéder intégralement et durablement à la législation de notre pays, il vous est possible de contacter l’OEPEJE (Œuvrons Ensemble Pour l’Éducation Juridique de nos Élus).

Pour obtenir un autre éclairage sur cette question : une étude publiée sur le site de la CAF relative à La décohabitation et le relogement des familles polygames.

Une réflexion sur « Bientôt Noël… gâtons-les ! (ou la polygamie à l’Assemblée nationale) »

  1. Merci pour cette article Vanille ! Bel exemple de populisme de la part de nos élus. Car le cible est clairement identifié et lorsqu’un projet de loi vise aussi distinctement une catégorie de la population, ca sent le vert de gris… Beurk

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