Dans la jungle de la médiation bancaire et financière

On ne cesse de le répéter : en cas de différend avec une banque, il est possible, après avoir vainement écrit au Directeur de l’agence bancaire, de solliciter l’intervention du médiateur de la banque.
Dans les faits, est-ce si simple ?

Publication initiale le 14/07/2010 – dernière mise à jour le 12/06/2014

On parle souvent DU médiateur mais, contrairement au Père Noël, le médiateur n’est pas unique… ils sont toute une armée !

Nous laisserons sur la touche pour aujourd’hui, le médiateur des assurances, le médiateur de l’autorité des Marchés Financiers ainsi que le médiateur du crédit en charge des problèmes rencontrés par les entreprises avec leurs banquiers.

Rien que pour traiter les litiges des usagers de la banque n’agissant pas pour des besoins professionnels (les particuliers), il existe… près de 200 médiateurs ! Vous pouvez trouver le vôtre dans la liste établie par la Banque de France.

Le cadre législatif

La législation a officialisé des pratiques parfois mises en œuvres dans certains établissements de crédit et s’inscrit dans une démarche européenne de développement des procédures extrajudiciaires des litiges (recommandation 98/257/CE).

On constate que cette législation laisse une grande marge de manœuvre à chaque établissement de crédit. L’article L316-1 du Code monétaire et financier prévoit seulement que
— Chaque établissement doit désigner un ou plusieurs médiateurs
— Ledit médiateur doit statuer sur le litige qui lui est soumis dans les 2 mois de sa saisine
— La saisine suspend la prescription conformément aux conditions de l’article 2238 du code civil
— Cette procédure de médiation est gratuite ; elle doit faire l’objet d’une information auprès de la clientèle (convention de compte, site internet,…)
— Chaque médiateur doit transmettre un compte-rendu annuel d’activité au Comité de la médiation bancaire.

Le Comité de la médiation bancaire (présidé par le Gouverneur de la Banque de France) rédige à son tour un rapport annuel (une consolidation des rapports élaborés par les différents médiateurs des établissements de crédit). Ce rapport est publié.

Les acteurs de la médiation

Pour simplifier, on dira que les médiateurs appartiennent à 2 grandes familles :
1.- Les médiateurs pour compte propre, désignés par un établissement bancaire particulier
2.- Les médiateurs pour compte commun, ayant en charge les litiges de plusieurs établissements de crédit ; cette catégorie comprenant
— Un médiateur pour les banques de la Fédération Bancaire Française (FBF)
— Un médiateur pour les établissements affiliés à l’Association des Sociétés Financières (ASF).

Dans la catégorie 1, on compte près de 200 médiateurs pour compte propre.

Chaque groupe bancaire conservant une grande liberté dans l’organisation de ses structures de médiation, on a ainsi (par exemple)
— Un médiateur unique pour toutes les Caisses d’épargne et les établissements de crédit du groupe (Banque Palatine, Cicobail, Compagnie de Financement Foncier,…).
— Un médiateur dans chacune des Caisses régionales du Crédit Agricole ; certaines caisses ayant confié leur service Médiation au médiateur de la FBF.
— Le Médiateur FBF en charge de l’activité médiation pour toutes les Caisses du Crédit Municipal.

La saisine du médiateur

La saisine n’est possible que si aucune procédure judiciaire n’est engagée (à l’initiative du client ou de la banque).
Le client doit avoir épuisé toutes les voies de recours internes à la banque.
Le médiateur est compétent sur tous les sujets qui concernent la relation du client avec sa banque (blocage de CB, dépassement de facilité de caisse, contestations d’opérations,…) à l’exclusion des refus de prêts (puisqu’il n’existe pas de droit au crédit)

La saisine du médiateur n’est pas assimilée à une plainte au sens pénal du terme.
La saisine du médiateur ne peut pas être un préalable à l’engagement d’une procédure judiciaire ; toute clause contraire mentionnée dans une convention de compte serait déclarée nulle et non écrite.

Rapports et comptes-rendus d’activité

Alors que les rapports rédigés par les médiateurs de la FBF et de l’ASF sont publiés, les rapports des médiateurs pour compte propre restent confidentiels (diffusés seulement auprès des membres de la Direction générale de l’établissement qui les a nommés).

Chaque année, le Comité de la médiation bancaire consolide les rapports de tous les médiateurs rédigés l’année précédente. Compte tenu des délais d’élaboration de ces documents, le dernier rapport consolidé par ce Comité actuellement publié est… celui de 2008.

CONSTATS

Le rôle du médiateur est connu de l’immense majorité des usagers de la banque et le nombre des saisines va croissant.
Le Comité de la médiation bancaire précise que, dans près d’un cas sur deux, le médiateur donne satisfaction (totalement ou partiellement) au client.
Le médiateur pour compte commun (FBF ou ASF) dispose d’une bonne visibilité sur les problèmes récurrents et peut émettre des recommandations à l’attention des établissements de crédit.

Mais ce dispositif mériterait certainement d’être amélioré…

Ainsi, aucune sanction n’est prévue
— Dans le cas où un établissement de crédit ne nommerait pas de médiateur. Nous connaissons tous des banques qui gèrent des comptes de particuliers mais qui n’ont pas de médiateur.
— Dans le cas où le rapport dudit médiateur ne serait pas rédigé ou pas adressé au Comité de la médiation bancaire.

— Le médiateur dispose d’un délai de 2 mois pour résoudre le litige… sans que l’on sache quel est le point de départ de ce délai puisque la plupart d’entre eux ne délivrent pas d’accusé de réception à la personne qui a constitué un dossier.
— La saisine suppose d’avoir épuisé les recours internes de la banque… mais ces recours restent le plus souvent inconnus de l’usager.
— On se demande de quelle manière le Comité de la médiation bancaire peut consolider tous ces rapports alors même qu’il n’existe pas de grille d’analyse commune (pas de typologie des litiges) à tous les médiateurs.
— La redirection des saisines mal dirigées est au bon vouloir des médiateurs (client qui a saisi le médiateur de la FBF alors que sa banque a nommé un médiateur pour compte propre, client qui aurait dû saisir le médiateur des assurances,…). Certains redirigent le dossier vers la structure apte à traiter le litige ; d’autres se déclarent incompétents.
— Les frontières de compétence entre les différents médiateurs (crédit / assurances / marchés financiers) ne sont pas définies avec précision (c’est ce que le Comité de la médiation bancaire appelle la zone grise). Le traitement du dossier dépend donc de l’idée que le médiateur se fait de l’étendue de sa compétence.
— La médiation est un service gratuit… mais seuls 7 médiateurs disposent d’une adresse postale en libre réponse (dispense d’affranchissement).
— Selon les établissements, l’avis du médiateur peut (ou non) être produit devant les tribunaux (dans le cas d’une procédure judiciaire ultérieure).
— L’avis du médiateur n’a pas de force contraignante. Seuls, quelques établissement acceptent de s’y conformer dans tous les cas quelle que soit son orientation (favorable ou non à l’usager émetteur de la saisine). Les banques qui ont choisi cette option font signer au client (qui accepte la recommandation du médiateur qui lui est favorable) une transaction au sens de l’article 2044 du code civil en vertu de laquelle les deux parties s’interdisent d’engager une action judiciaire.
— Il n’existe aucune procédure permettant de s’assurer que l’avis du médiateur est correctement exécuté par l’établissement bancaire.
— Rappelons également que le Comité de la médiation bancaire ne dispose pas d’un pouvoir disciplinaire.

Les dispositions législatives qui encadrent la médiation bancaire et financière sont bien trop imprécises pour assurer une véritable efficacité du dispositif et une égalité de traitement de tous les usagers de la banque.

Un certain nombre de correctifs pourraient être apportés afin de normer cette activité (définir des procédures communes à tous les médiateurs) et d’assurer un règlement rapide et équitable des litiges.

Si des parlementaires nous lisent, je ne doute pas qu’ils trouveront dans ce qui précède matière à rédiger une proposition de loi en adéquation avec nos attentes.

Les usagers de la banque que nous sommes les remercient à l’avance de bien vouloir se pencher sur une question autrement plus urgente à traiter… que l’installation à nos carrefours de feux tricolores à quatre couleurs.

 

 Mise à jour du 12/06/2014 : il est désormais possible de saisir le médiateur de la FBF par voie électronique en se rendant sur cette page.

3 réflexions sur « Dans la jungle de la médiation bancaire et financière »

  1. Ah, la médiation bancaire !!!!! :embaras:

    Pour moi, du pipeau !!!!! :colere:

    J’ai eu à faire à deux mediateurs « maison » et un pour compte commun.

    Ils sont au service de leur employeur, je pourrais publier leurs écrits !!!!! D’ailleurs pour un, je ne me suis pas gêner !!! C’est un copier coller du service clientèle !!!! Un autre est à suivre !!!

    Cela est fait pour amuser la galerie, lorsque les montants sont trop importants, pas de suite favorable pour le client.

    Les statistiques sont en fonction du nombre de dossiers !!!!!

    Il vaut mieux donner satisfaction à 99 dossiers à 10 € que d’accepter celui à 20 000 € !!!!

    Résultat, 99 % de satisfaction et on peut dire « Ca marche », pour ceci un coût minimum.

    Sur ce, bonne soirée !!!!

    Merci Vanille !!!!!

  2. Bonjour,

    Bravo Vanille pour ce billet très instructif

    Aux critiques que tu a listées, tu pourrais ajouter le cas de médiateurs qui ne font rien.
    Ils n’accusent même pas réception des courriers adressés, n’y répondent pas et se contentent tout juste de faire suivre les faire suivre au service client de l’Organisme concerné.

    J’ai eu deux fois le cas avec un prétendu médiateur « maison » d’une banque.

    Dans de tels cas auprès de qui faut-il se plaindre ?

    Quant à l’appel aux parlementaires pour modifier les choses, c’est bien mais je crains que ce ne soit qu’un coup d’épée dans leau.

    Il faudrait que nous soyons tous – les uns et les autres qui, dans divers domaines, constatons des anomalies – plus offensifs, constituions des dossiers solides, bien argumentés et les adressions, chacun dans nos départements, à nos parlementaires respectifs et, pourquoi pas, à la presse. (cBanque pourrait être le porte parole coordinateur ???)

    L’effet « masse » ferait (peut-être ?) bouger les choses ?

    Cordialement,

  3. Aristide a dit :

    J’ai eu deux fois le cas avec un prétendu médiateur « maison » d’une banque.

    Je ne suis pas le seul à les appeller comme ça ! :clin-oeil:

    Je ne suis pas loin de penser que leurs réponses sont préparées par le service réclamation et le médiateur passe une fois par semaine prendre le café et en profite pour signer. Bon, là je suis peut-être mauvaise langue. :embaras:

    Il faudrait que nous soyons tous – les uns et les autres qui, dans divers domaines, constatons des anomalies – plus offensifs, constituions des dossiers solides, bien argumentés et les adressions, chacun dans nos départements, à nos parlementaires respectifs et, pourquoi pas, à la presse. (cBanque pourrait être le porte parole coordinateur ???)

    Bonne idée Aristide, j’ai trois dossiers complets qui prouvent bien leur partialité !!!!

    Le dernier en date, le fameux médiateur prétendait agir « en droit et en équité ».

    Pour le droit, il peut retouner sur les bancs de la fac et pour l’équité, force est de constater que l’on a pas les mêmes valeurs !!!

    De plus, la réponse est arrivée au bout de trois mois ce qui m’a fait perdre (prescrit à 15 jours près) un point du dossier sur lequel je pouvais agir. :colere:

    M’en fout, il y en a d’autres !!! :ironie:

    Bien cordialement

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