Y en a toujours qui paient pour les autres (ou la générosité présumée)

Vous le savez comme moi, dans notre petite vie de particulier, il n’est pas rare que l’on soit amené à payer pour les autres. Faut-il encore que ce paiement soit volontaire et que l’on sache, avant de s’engager, si on disposera ou non, après avoir payé, de recours à l’encontre d’autres personnes. Car tout n’est pas si simple dans le paiement pour autrui… surtout si l’on prend en compte l’éclairage récent que nous donne la Cour de cassation sur le sujet.

Publication initiale le 29/04/2012

Il y a celui qui paie en qualité de caution

Le cautionnement est une technique fréquemment utilisée pour garantir des engagements. Qu’il s’agisse de ceux d’un locataire ou ceux d’un emprunteur, dans l’immense majorité des cas, l’engagement est dit solidaire. C’est-à-dire que le créancier n’a pas à prouver l’insolvabilité du débiteur principal avant d’engager des actions contre la caution.

En pratique, le créancier obtient une décision de justice à l’encontre du débiteur principal et de sa caution (ou de ses cautions) et procède ensuite à des voies d’exécution (expression élégante pour qualifier les saisies en tous genres) à l’encontre de celui qui lui semble le plus solvable… ou qui n’a pas changé d’adresse.

Dans ces conditions, la caution qui paie la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur (art. 2306 du code civil), c’est-à-dire qu’elle peut agir à l’encontre du débiteur pour demander paiement des sommes qu’elle a elle-même réglées. Elle peut également bénéficier des garanties qui avaient été constituées au profit du créancier.

Il y a celui qui paie en qualité de co[xxx]

Il n’est pas rare, qu’en vertu d’un contrat, plusieurs personnes soient engagées solidairement dans les mêmes termes. Il peut s’agir de colocataires, de coemprunteurs,…

En cas d’impayés (loyers, échéances de prêt,…), le créanciers agira comme il est dit précédemment en tentant d’obtenir une décision de justice condamnant solidairement tous les co[xxx] (qui peuvent être 2 personnes, 3 ou plus) et en saisissant les biens de celui qui paraît le plus solvable.

Même si ces personnes ont prévu entre elles une répartition des paiements (la moitié de l’échéance de prêt si elles sont 2, un tiers du loyer si elles sont 3,…), ces accords sont inopposables au créancier en vertu du principe de la solidarité.

Il est donc possible que l’une d’elles se voit contrainte de régler la totalité de la dette ; à charge pour elle (si elle le souhaite) d’engager des poursuites à l’encontre des autres pour se faire rembourser leur part qu’elle a réglée.

Il s’agit d’une procédure parfois complexe du fait du statut de ces personnes, de leur éventuel régime matrimonial et de la preuve de l’origine des fonds qui ont servi au paiement mais celle qui a payé pour tous finira (si elle est tenace et a conservé des preuves de ses paiements) par obtenir une décision lui permettant d’engager des poursuites à l’encontre de ses autres co[xxx].

Il y a enfin celui qui paie volontairement alors que personne ne lui a rien demandé

Nous connaissons tous des personnes qui, pour aider un proche, ont réglé pour son compte une dette alors même qu’elles n’étaient ni cautions ni co[xxx]. L’altruisme existe encore (heureusement).

Le code civil (art. 1236) envisage cette situation mais n’en a hélas pas prévu les conséquences et ne dit pas expressément si celui qui a payé dispose d’un recours à l’encontre du débiteur.

Dans le cas qui fait l’objet d’une décision de la Cour de cassation du 9 février 2012 (n°10-28.475), un homme s’est acquitté, pour le compte de son frère, d’une dette bancaire à hauteur de 2.724,33 € en principal alors que la banque ne l’avait pas appelé à payer puisqu’il n’était ni caution ni coemprunteur.

Cet homme, souhaitant se faire rembourser de son paiement, a saisi le juge de proximité de Vesoul (70) auprès duquel il a obtenu gain de cause au motif que le débiteur ne pouvait pas apporter la preuve de l’intention libérale de celui qui a payé.

Cette décision est cassée par la cour suprême qui renverse la charge de la preuve ; il appartient à celui qui a payé de prouver que le débiteur avait obligation de le rembourser.

La même chambre de la Cour de cassation s’était déjà prononcée dans les mêmes termes dans un arrêt du 2 juin 1992 (n°90-19374).

L’intérêt de cette décision de février 2012 est de rappeler

  • qu’il n’existe pas de recours systématique contre le débiteur en faveur du tiers-payeur altruiste ;
  • que l’intention libérale de celui qui a payé est présumée ;
  • que la charge de la preuve repose sur celui qui a payé (à lui de démontrer qu’il existait au préalable un contrat de mandat ou de prêt entre le débiteur et lui-même).

En pratique

Il est vivement recommandé, avant de payer les dettes d’autrui sans y être obligé, de formaliser un don ou un prêt afin d’éviter les mauvaises surprises. Sur la question des dons et des prêts, voir ce billet.