L’huissier frappe à ma porte

Peu importent les raisons pour lesquelles vous avez cessé de payer les échéances de votre crédit à la consommation. On ne refait pas l’histoire.
Un huissier de justice a pris contact avec vous (à votre domicile, par courrier, par téléphone,…). Que faire ? Surtout pas l’autruche !…

Il faut, pour commencer, déterminer avec certitude à quel titre l’huissier vous demande de régler cette dette.
Le recouvrement de créances n’est pas un espace de non-droit dans lequel triompherait le plus rapide, le plus fort ou le moins scrupuleux. Cette activité est régie par les dispositions du tout nouveau Code des procédures civiles d’exécution (CPCE).
Publication initiale le 02/10/2013

De manière un peu schématique, on dira que l’huissier exerce deux métiers distincts dans le domaine du recouvrement.

  • Ou bien il agit en vertu d’une décision de justice qui condamne (parfois provisoirement) une personne à payer sa dette ; il s’agit alors de recouvrement judiciaire ;
  • Ou bien il pratique le recouvrement « amiable » (c’est-à-dire qu’il n’est pas muni d’une décision de justice), de la même manière que le ferait n’importe quelle société de recouvrement.

Comment savoir si le dossier au titre duquel l’huissier vous a contacté relève du recouvrement judiciaire ou du recouvrement « amiable » ? Donnons quelques indices.

En matière de recouvrement judiciaire, il faut que l’étude de l’huissier se trouve dans le même département que le domicile du débiteur. Rappelons en effet que les huissiers ont, notamment pour la délivrance des actes et les voies d’exécution (saisies) une compétence territoriale qui se limite au ressort du tribunal de grande instance (TGI) de leur étude.

Exemple : si vous habitez dans les Hauts-de-Seine, l’huissier qui vous demande paiement en vertu d’une décision de justice doit obligatoirement résider dans ce département (qui n’est doté que d’un seul TGI). Dans les départements où plusieurs TGI sont implantés, il suffit de vérifier quel est le TGI compétent (pour le domicile du débiteur et pour l’étude de l’huissier) sur le site du Ministère de la justice.

Un huissier muni d’une décision de justice devra, pour préserver les droits du créancier, vous signifier cette décision (c’est-à-dire se rendre à votre domicile et tenter de vous y trouver pour vous remettre l’acte en mains propres).
S’il se contente de courriers (simples ou recommandés), d’appels téléphoniques ou de SMS, il y a fort à parier qu’il ne détient pas de décision de justice et qu’il tente de recouvrer la créance « amiablement ».

En cas de doutes sur l’existence d’une décision de justice rendue contre vous, il est possible de contacter le greffe du tribunal d’instance (TI) de votre lieu de résidence (ou du lieu des résidences que vous avez occupées précédemment).

Recouvrement en vertu d’une décision de justice

En matière de crédit à la consommation, le créancier utilise, presque toujours, la procédure d’injonction de payer.

  • Ou bien l’huissier vient signifier au débiteur l’ordonnance d’injonction de payer rendue par le tribunal. Cette ordonnance est susceptible d’opposition dans un délai d’un mois à compter de sa signification (comme nous l’expliquions ici).
  • Ou bien l’ordonnance s’est transformée en décision définitive parce que le débiteur n’a pas réagi dans les délais ou que le tribunal a rejeté son opposition. Dans ce cas, des voies d’exécution (saisies) peuvent être engagées sur les biens du débiteur et il est préférable de négocier des délais de paiement avec l’huissier. Si aucun accord n’est possible avec l’huissier, le débiteur pourra saisir le juge de l’exécution (JEX) pour demander des délais (voir article R121-1 du code des procédures d’exécution et, plus généralement, sur les demandes de délais, cette page).

Rappelons également que la loi a établi une liste de biens insaisissables (voir articles L112-2 et R112-2 du CPCE) et qu’elle interdit (sauf cas exceptionnels et avec une autorisation du juge) les mesures d’exécution pratiquées les dimanches et jours fériés. De la même manière, ne sont pas autorisées les mesures d’exécution pratiquées avant 6 heures et après 21 heures dans les lieux servant à l’habitation (article L141-1 du CPCE).

Recouvrement « amiable »

Dès lors qu’il n’existe pas de décision de justice rendue à l’encontre du débiteur, les agents chargés du recouvrement (qu’il s’agisse d’un huissier ou du collaborateur d’une société de recouvrement) tenteront de convaincre le débiteur de payer sa dette mais il leur sera impossible d’engager des voies d’exécution (saisies) quelles qu’elles soient.

N’oublions pas que « seuls peuvent procéder à l’exécution forcée et aux saisies conservatoires les huissiers de justice chargés de l’exécution. » (article L122-1 du CPCE) et que « les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier » (article L111-8 du CPCE).

Le débiteur (ou présumé tel, car les poursuites engagées à l’encontre d’homonymes ne sont pas à exclure) qui reçoit des courriers et des appels téléphoniques du fait d’une procédure de recouvrement « amiable » engagée contre lui peut fort bien ne pas réagir. Rien ne l’oblige en effet à répondre aux courriers et aux appels téléphoniques, ni à recevoir à son domicile l’huissier ou l’agent de recouvrement.

On pourrait alors s’interroger sur les raisons pour lesquelles certains créanciers se privent de la possibilité de demander au tribunal de prononcer une condamnation en paiement.

En pratique, les raisons qui interdisent à un créancier d’engager des démarches pour obtenir un jugement sont nombreuses.

  • Parfois le montant de la dette est jugé trop faible pour justifier une action en justice. Chaque créancier reste libre de ses choix de gestion.
  • Il peut arriver que le contrat souscrit par le débiteur présente des anomalies eu égard aux exigences prévues par la législation. Dans ce cas, il ne serait pas prudent d’aller en justice car le tribunal pourrait rejeter la totalité de la demande.
  • L’exemplaire du contrat signé par le client est peut-être tout simplement devenu introuvable (perdu ou mal archivé).
  • Il est possible aussi que l’action du créancier soit frappée de forclusion. Il serait alors inutile alors de solliciter le tribunal.

Certains organismes se sont spécialisés dans le rachat de ces créances non titrées (non reconnues par une décision de justice ou « titre exécutoire »). Ils acquièrent souvent ces créances pour un prix infiniment inférieur au montant de la créance elle-même.

Dans certains cas, ces organismes sont seulement mandataires de la société de crédit. Ils agissent pour le compte de celle-ci et leur rémunération est proportionnelle aux sommes versées par le débiteur.

S’il n’existe pas de décision de justice rendue à l’encontre du débiteur, il ne reste que la persuasion pour obtenir des règlements ; la persuasion, parfois même le harcèlement et, dans des cas hélas pas si rares, la menace.

Pour faire payer un débiteur, tous les coups ne sont pas permis ainsi que le rappelait Christiane Taubira dans cette réponse ministérielle récente, qui liste les délits commis par certains chargés de recouvrement et qui recense les articles du code pénal qui les répriment.

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« Pour apprendre quelque chose aux gens, il faut mélanger ce qu’ils connaissent avec ce qu’ils ignorent. » Pablo Picasso

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Je dédie ce billet à Ad59, Angèle, Agnès, Anne du 93, Arkanes13, BandePopulaire, Belotte, Bonheur, Chantal, Choukette76, Endettée421, Équilibre, Frelon, Galère31, Harcelé1975, Hay1986, Inconnu209, La panade 74, Marie75, Mahe, Médette, MilouLozère, Nati, Olliane, Opaline, Papounet13, Pierre du 47, Réglisse, Reno059, Sandrine36, Tiftouf, Verone, Vivien, Yenamar ,… et bien d’autres encore, avec lesquel(le)s j’ai eu l’occasion d’échanger sur ces questions.

5 réflexions sur « L’huissier frappe à ma porte »

  1. Bonsoir,

    Merci vanille pour ces explications claires, concises et très importantes.

    Les consommateurs dans une situation délicate auraient tout avantage à en prendre connaissance dans le détail.

    Pour une meilleure visibilité et compte tenu de l’intérêt de ce message, il serait bien qu’il soit « pointé » dans un des forums de discussion, sur lesquels depuis de TROP nombreux mois vous n’intervenez plus? à mon grand regret.

    Cdt.

    Vivien.

  2. Bonjour Vanille,

    Je m’associe à Vivien pour, d’une part, te remercier de ce billet qui permet à tous de bien cerner les choses.

    Mais aussi pour regretter ton absence sur le forum car il est vrai que, désormais, il n’y a plus aucun juriste à intervenir.

    Cordialement,

    Aristide

  3. @ Vivien et Aristide
    Je vous remercie de la confiance que vous me témoignez.
    Vous connaissez tous les deux ce qui fait la force d’un billet de blog par rapport à une intervention sur un forum :
    • Présentation synthétique d’un sujet à périmètre défini
    • Maîtrise des commentaires par neutralisation des propos hors sujet ou à caractère publicitaire, des digressions oiseuses, des jugements de valeur, etc.
    • Sous réserve de respecter la législation (cf. loi du 29 juillet 1881 sur les délits de presse), pas de censure

  4. Bonjour,

    Une fois encore, vous faites mieux que les médias, et êtes généreuse, précise dans vos infos.
    Avec vous, on comprend et on apprend sans effort, même les choses que nous jugions rébarbatives.
    La lecture de vos billets se fait sans se prendre la tête à relire une fois et encore une autre, etc..tout en nous donnant vos sources à l’appui. Elle est variée.
    Chaque début de mois, je me dis, de quoi vas t-elle parler ?

    J’espère que votre blog durera encore très longtemps Vanille, sincèrement…

    Je souhaite que votre blog dure longtemps encore Vanille

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